Julianna et moi avons une relation plutôt compliquée depuis longtemps.
Arrivée chez nous après un passé assez houleux. Elle a toujours été stressée quand nos mains dépassait le milieu de son dos, avait le lancé de pied assez facile pour lui faire les pieds arrière et partait dès qu’elle nous voyait avec une branche, un balai ou une fourche dans les mains.
Nous avions travaillé les caresses et autre en liberté et elle s’apaisait doucement jusqu’à une échographie où le vétérinaire avait imposé le tord nez en plus d’être maintenue en longe avec une patte levée. A partir de ce moment-là, tout le travail fait depuis son arrivée était foutu. Quelque temps après, il avait fallu (je ne sais plus exactement pour quelle raison, c’était il y a plusieurs années) lui faire une piqûre en intramusculaire. Nicolas la fit pendant que je la tenais en longe, mais même si la piqûre en elle-même ne la gêna pas plus que ça, le produit lui fut douloureux car dès le licol enlevé, elle me rendit la pareille avec un coup de patte dans la cuisse.
Par la suite, elle garda ses distances avec moi bien plus qu’avec Nicolas, sauf les dernières jours de sa gestation où elle est venue chercher câlin et support avec mon épaule pour s’étirer le dos. Mais une fois Indie née, il lui aura fallu plus d’une semaine avant de me laisser l’approcher. Son passé difficile avait-il eu lieu avec une femme ? On ne sait pas. Par la suite, elle refusa que je puisse la traire lors de sa première lactation chez nous. Et comme ici, les ânesses sont en liberté lors de la traite, un refus de leur part peut vite être très clair, exactement comme le sien le fut : de bons jets de pied rapides et sur le côté (et non vers l’arrière) pour être certaine de m’avoir dès que je m’approchais. Et comme il n’y avait aucune obligation que la traite soit faite par mes soins, après plusieurs tentatives, nous avons admis qu’elle avait le droit de ne pas m’aimer et de ne pas vouloir que je réalise ces traites, alors Nico s’en est intégralement chargé cette année là.
L’année suivante, lors d’un tour de vérification de clôture dans la pré où elle était avec sa fille et d’autres ânesses suite à une tempête, la belle me défia une nouvelle fois. Ils ont tous l’habitude de nous suivre quand nous sommes dans le pré. Mais là les accès était difficiles et comment dire… Les ajoncs ça pique, alors je prenais mon temps pour réussir à me frayer un chemin. Temps que Julianna trouva trop long à son goût car elle ne pouvait me doubler et elle me pinça la cuisse. [Je dis pincer car si elle m’avait « mordu » comme ils le font entre eux ou avec des intrus, j’aurais pu perdre un bout de chair vu ce qu’ils peuvent enlever aux arbres, là je n’ai écopé que d’un hématome de la taille de ma main].
Autant dire que depuis, j’étais bien plus méfiante avec elle et il m’a fallu pas mal de temps avant d’avoir envie de retravailler notre relation. Mais à l’approche de sa mise-bas de 2020, rebelote, elle tente une approche de son côté. Je l’accepte volontiers surtout pour parer à un éventuel soucis lors de la naissance. Et hop, une fois la petite née, je ne l’intéresse plus.
Mais depuis la mise en place des filets à foin dans la stabulation pour l’alimentation, son rapport à nous à changé. Nous passons entre eux avec les filets et avons constamment une main sur eux une fois le filet accroché pour leur faire savoir où nous sommes (et ne pas se prendre un coup ou un dommage collatéral parce qu’il ne veulent pas qu’untel vienne manger au même filet qu’eux par exemple). Et puis à l’automne, lors d’une envie d’un temps de pause avec eux, j’ai pris une brosse et je suis rentrée dans la stabulation. Valentin est bien sûr venu en premier suivi de Kaizen et Karma, puis Diva mais pour une fois Juju n’est pas partie. Puis quand ce fut à Louve d’être brossée, sa mère est restée derrière elle, et là miracle Julianna a accepté quelques passages de brosse en liberté. Et quelques temps après, ce furent des câlins avec un gant qui remplace une brosse sur tout le dos.
Et enfin cette semaine, elle m’a permis de la traire, sans signe de stress et sans retenir son lait (comme elle sait si bien le faire).
Alors je ne dis pas que tout est gagné et que demain nous courrons ensemble côte à côte dans le pré, mais les bonnes relations prennent du temps pour qu’une grande confiance s’installe. Et aujourd’hui la nôtre a fait un grand pas.