Louve, une peluche de trois mois, reste à l’étable avec sa maman Juliana. Valentin veille sur elles comme un grand frère ou un papy. On ne connaît pas l’âge de cet âne commun. Pour Alice Bioche et Nicolas Roy, qui ont créé l’asinerie Aux Grandes Z’oreilles de Pindray il y a cinq ans, les ânes n’ont de commun que leur espèce. Pour le couple amoureux de ses animaux, les quatorze équidés sont uniques.
En s’installant à la Roche à Baussant, ils ont fait revivre le hameau. Si les voisins pouvaient craindre d’intempestifs braiments, ils ont vite été rassurés. « Je n’ai jamais rencontré personne qui me dise de ne pas aimer les ânes », remarque Alice Bioche. Le capital sympathie l’emporte, surtout quand on va à leur rencontre et qu’on découvre leurs histoire en se baladant librement dans la ferme.
« Ici, ce n’est pas la fête du plastique ! »
En ce moment, c’est un peu les vacances pour les ânesses. Pas de traite en été. Au calme dans les prés. « Nous avons récolté 160 litres de lait l’an dernier, c’est suffisant pour ce qu’on a à faire. » Le lait est utilisé pour confectionner des savons aux ingrédients naturels, ainsi que des cosmétiques, shampooing solide, dentifrice, savon de rasage, baume à lèvres, pour le corps, déodorant. Une crème visage est la nouveauté de 2021 et bientôt sera complétée par un lait pour le corps.
"Nous avions déjà transformé le lait de chèvre en fromages. On rêvait de travailler avec des ânes. La savonnerie a été le moyen d’en vivre."
« Nous avions déjà transformé le lait de chèvre en fromages. On rêvait de travailler avec des ânes. La savonnerie a été le moyen d’en vivre », raconte Nicolas Roy. Alice a suivi une formation sur la réglementation des cosmétiques. Elle propose d’ailleurs des ateliers pour savoir lire l’étiquette de son savon solide.
Le couple travaille avec une quinzaine de producteurs locaux comme « Autour des plantes » à Migné-Auxances, l’huilerie Lépine d’Availles-en-Châtellerault (huile de noisette), et utilise même le marc de café du Bibliocafé de Poitiers pour créer des savons marbrés. Rien ne se perd, tout se transforme… Et dans la boutique toute belle grâce à l’huile de coude d’artisans et d’amis pendant la pandémie, on trouve aussi des objets d’une quinzaine de créateurs locaux et des ustensiles de salle de bain dans l’esprit qui règne à l’asinerie : respect de la nature, biodiversité, et surtout pas la fête du plastique. Même les étiquettes sont en déchet de fibre de canne et les sachets en fibre de bois.
Quatorze ânes (mais seulement six ânesses) de 3 mois à 20 ans vivent à Pindray. « Un âne vit 35-40 ans. Notre Rosalie a été à la retraite à 19 ans. On aurait aimé qu’elle ait un dernier petit, mais il n’y a pas eu d’entente avec le mâle. On a décidé de ne pas mettre nos ânesses à la reproduction avant l’âge de 5 ans, avec une grossesse tous les trois ans : un an de gestation, un an de lactation », détaille Alice.
Animal miroir.
Depuis leurs débuts, deux femelles sont nées et cinq mâles, qui sont castrés vers 15 mois. Le couple est très vigilant sur l’adoption. « Un âne, ce n’est pas une tondeuse, cela demande des soins, de l’éducation, de la compagnie. Un de nos ânes qui adorait les câlins est devenu médiateur, cela nous ravit, nous gardons le lien. » Il est aussi possible de parrainer un âne. Passionnés par leurs animaux, Alice et Nicolas ont à cœur de faire de la pédagogie. « Souvent, après la visite, les gens ne voient plus les ânes comme des bourriques têtues. Un âne a envie de faire des choses mais il faut bien lui demander… C’est un animal miroir qui nous oblige à nous remettre en cause. Pour nous, ils sont comme des collègues et notre famille. »
La boutique « Aux grandes Z’Oreilles » est ouverte les mercredi, samedi, dimanche de 14 h à 19 h, visite libre de la ferme avec les panneaux pédagogiques. 6, rue des Vieilles Vignes, à La Roche à Baussant, Pindray. Contact : 06.99.85.50.03. auxgrandeszoreilles@gmail.com. www.auxgrandeszoreilles.fr
en savoir plus
La traite, à la main exclusivement, se fait à partir des trois mois de l’ânon, tant qu’il y a de l’herbe. « On arrête au plus tard fin juin jusqu’en septembre. Les petits ne sont jamais sevrés, ils sont juste séparés de la mère le temps de la traite. » Le temps de la traite, c’est quatre fois par jour. Les mères nourrissent leur petit jusqu’à deux ans au moins. La traite s’arrête quand moins d’un demi-litre de lait par jour est récupéré.
repères
Portes ouvertes « fête de la biodiversité » samedi 21 de 14 h à 19 h et dimanche 22 août de 10 h à 19 h. Rencontres avec des fermes engagées, des associations et passionnés de nature.
Ruche pédagogique, savonnerie, livres du Bibliocafé, gratiferia du jardin (on donne, on prend ce qu’on veut).
Traite des ânesses à 11 h, 14 h 30 et 17 h.
Ateliers art et nature, cuisine sauvage le samedi. Balade avec la LPO dimanche à 9 h.
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